• Les mutations du secteur culturel

    depuis l’arrivée massive d’internet dans les pratiques professionnelles ont abouti à un véritable changement de paradigme, qui impose de repenser complètement le statut professionnel, mais aussi social, de l’artiste aujourd’hui.

  • Au profil de l’artiste pris en charge par son producteur

    (maison de disque, maison d’édition, galerie…), et dépendant.e de lui pour la majeure partie de ses revenus,

  • succède celui d’un.e artiste émancipé.e, autonome,

    capable de dialoguer avec les autres acteurs professionnels de son secteur, et dans un rapport beaucoup plus direct avec son public.

Il en résulte une modification complète de l’image de l’artiste mais aussi de la réalité de son quotidien :

de doux rêveur infantile et sous tutelle,

l’artiste devient un.e acteur.trice économique et social.e à la tête d’une activité polyvalente,

devant multiplier les statuts, les connaissances et les compétences pour vivre de son métier. La figure de l’entrepreneur.se n’est pas loin : à nous de l’imaginer émancipé.e, hors des standards capitalistes, dans un rapport équitable avec les intermédiaires et son public.

En somme, l’e-artiste doit être en mesure de préparer au mieux son travail pour la diffusion,

que celle-ci soit assurée au final par ses soins ou par une tierce personne.

Ainsi, l’e-artiste, à la fois artiste émancipé.e et artiste digital, doit, ou devrait :

  • posséder le minimum de connaissances juridiques nécessaires tant à la mise en place de son activité (code du travail, code général des impôts, code de la sécurité sociale…) qu’à l’exercice de sa pratique (code de la propriété intellectuelle, droit à l’image…),
  • mettre à profit les techniques du marketing et de la communication digitaux pour faire connaître son travail au plus grand nombre et entretenir son public,
  • posséder des rudiments d’informatique utiles pour construire son site, ou du moins pour être capable de dialoguer intelligemment avec un webmaster,
  • et par la même occasion, être sensibilisé.e à la sécurisation de son travail en ligne…

Un manque de formation et d'information...

A l’heure actuelle, aucune de ces connaissances pourtant fondamentales à l’exercice du métier d’artiste en 2015 n’est réellement et sérieusement enseignée dans les écoles d’art et de musique (sans compter les pratiques pour lesquelles il n’existe pas d’école, comme la littérature… ).

Pire, les pouvoirs publics, complètement dépassés par la rapidité des mutations du secteur, sont incapables d’imaginer le cadre juridique et fiscal adéquat à l’encadrement de la pratique artistique professionnelle aujourd’hui, et nombre d’artistes sont contraint.e.s au quotidien à jongler avec les textes et les règlements, si ce n’est à enfreindre la loi pour pouvoir tout simplement travailler.

Pour exemple, le statut d’intermittent.e du spectacle, qui est celui qu’utilisent les artistes interprètes pour se faire rémunérer leurs prestations scéniques, est incompatible avec celui de salarié d’une association, qui pourrait pourtant permettre à l’artiste de produire soi-même son album ou son clip. De même, il n’existe aucun statut légal pour soutenir l’activité d’assistant.e d’artiste, qui permet pourtant à beaucoup de jeunes artistes visuel.le.s de vivre de leurs compétences tout en finançant leur propre travail artistique encore non directement rémunérateur…

Des enjeux de taille

Et pourtant, l’enjeu est d’importance : le rapport visant à mesurer les marchés de la culture et de la création dans l’Union européenne, commandé par le GESAC (Groupement Européen des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs) à la société Ernst & Young en 2014, a révélé que les Industries Culturelles et Créatives en Europe emploient 2,5 fois plus de personnes que les constructeurs automobiles et 5 fois plus de personnes que l’industrie chimique. Mais dans le même temps, le rapport de l’IRI commandé par le PRODISS en 2015 montre également combien il est fondamental et urgent de repenser les modèles économiques fondés sur la valeur d’échange et la valeur d’usage, qui sont en cours d’obsolescence dans un monde digitalisé de plus en plus dominé par les Big Data, telles que les définissent les GAFA.

Dans cette urgence, issue entre autre de la baisse spectaculaire et tendancielle du salariat, le monde culturel pourrait se trouver à l’avant-garde du changement de paradigme, et ce même rapport de l’IRI explore plusieurs pistes fondées sur une économie de la contribution dont l’intermittence en cours dans le spectacle vivant pourrait constituer un modèle de transition. D’autres penseurs, comme Bernard Friot, prônent une remise à plat du modèle salarial pour généraliser l’économie solidaire avec la création d’un salaire à vie. Ces modèles théoriques stimulants, parfois incompatibles, nourrissent notre réflexion en constant questionnement. Nous sommes à l’affût des pensées qui ouvrent des voies nouvelles, hors de l’autoroute du marché libéral tel qu’il domine aujourd’hui.

PENSER L'E-ARTISTE

L’intermittence n’existe pas pour les arts visuels, et le régime qui s’applique aux artistes auteur.e.s est très limité. C’est pourquoi, à La Casa des Utopies, nous plaidons qu’on ne peut plus se contenter d’appliquer sans questionnement les vieilles recettes qui ont fait leur temps, et qu’il faut soutenir par un travail constant de pensée et de modification des pratiques ce secteur en pleine (re)structuration. Nous avons donc décidé, comme de nombreuses associations d’artistes, de contribuer dès maintenant, par nos expériences, par nos projets, par nos réflexions, à inventer le statut et plus généralement la place de l’artiste de demain au sein de la société globale : c’est ce que nous appelons l’e-artiste (e pour émancipé.e, connecté.e et équitable).

L'IDÉAL-TYPE DU TRAVAILLEUR DE DEMAIN

Car nous pensons que l’e-artiste, ce n’est pas le créateur ou la créatrice isolé.e dans son studio, mais au contraire, un.e créateur.trice de liens, un catalyseur d’énergies, un moteur d’initiatives et un ferment de mises en formes nouvelles du monde : autrement dit, de part les difficultés auxquelles il ou elle doit faire face dans l’exercice quotidien de son activité, tant du point de vue juridique, social, qu’économique, mais aussi et surtout de part son rapport constant à l’innovation, et son attention constante à autrui (son public, son inspiration), l’e-artiste peut se penser comme l’idéal-type du travailleur.se de demain, celui ou celle dont l’activité est à la fois intense mais intermittente, autonome mais interdépendante, créative et créatrice de soi-même.

UNE MUTATION SOCIETALE

L’enjeu de cette transformation du statut de l’artiste et du regard porté sur lui ou elle n’est donc ni plus ni moins que la mutation de la société dans son entier, dans le rapport qu’elle entretien avec la culture, c’est-à-dire : dans sa manière de se créer en permanence sa culture, faite d’arts, d’histoire(s) et de pratiques sociales multiples, complexes, contradictoires et enrichissantes.

Nous appelons de nos vœux la prise de conscience par tous de cette mutation,

et tentons d’œuvrer chaque jour davantage pour accompagner les artistes d’aujourd’hui vers la naissance de leur e-artiste.

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